
Radhi, tu as souhaité réagir par rapport aux polémiques qui ont suivi les déclarations de Adel Chedli à la fois sur notre site et chez nos confrères de SFR Sport. Qu’en as-tu pensé ?
Ce que j’ai compris est qu’il y a un genre de petit règlement de compte par rapport à Sami Trabelsi et au président de la Fédération même si il a dit la vérité par rapport à l’ambiance, par rapport à l’indiscipline de quelques joueurs. Mais je lui reproche deux choses. La première est qu’en tant que leader de l’équipe qu’il fut, il aurait pu gérer ça. Sa présence dans le groupe devait lui permettre d’agir ou de rapporter au Staff. Ça aurait dû être traité en interne et non pas cinq ans après. La deuxième, c’est le fait de faire ces déclarations sur une chaîne française. Même s’il ne le voulait pas, ça salit quand même un peu l’image de la Tunisie. Même si pour avoir vécu 3 générations en équipe nationale, il y avait toujours des joueurs indisciplinés, des joueurs qui ne savent pas ce qu’est le professionnalisme. On sait de toute façon que le professionnalisme est important mais qu’en Tunisie nous avons de grandes lacunes à développer, jusqu’à maintenant, des joueurs professionnels au vrai sens du terme. Ce n’est donc pas qu’un problème de joueur, c’est un problème à la base celui des responsables qui ne développent pas les joueurs sur les 4 aspects, technico-tactique, physique et mental ou psychologique. On n’a jamais pris ça en considération en Tunisie. On en voit donc le résultat, des joueurs en équipes même nationales qui n’ont pas d’hygiène de vie. Adel lui a été choqué par ça mais moi en Tunisie, comme je l’avais déjà dit, dés que j’ai compris ce qu’était le professionnalisme j’ai essayé de me l’appliquer à moi même. Ce n’est pas forcement la démarche de tous les joueurs parce qu’il faut prendre en considération leur environnement, leur éducation et beaucoup d’autres facteurs. Je comprends donc d’un côté Adel mais d’un autre côté, je ne comprends pas pourquoi il ne l’a pas pris en charge à cette époque là pour le traiter jusqu’au bout. Ce qu’on a tous retenu de l’époque c’est qu’il n’était pas content d’être remplaçant. Ça pose donc des questions.
Comprends-tu sa démarche, quand il dit qu’il a subi énormément de critique suite à son intervention sur BeIn Sport en lui sortant l’épisode de 2012 et il a donc tenu à donner sa version des faits, notamment vis à vis de son entourage?
Je n’ai pas de problème avec ce qu’il dit, parce que je sais que ça existe. Je peux tout à fait comprendre qu’il avait besoin de répondre à ces attaques ou critiques. J’aurais aimé qu’il résolve le problème sur le moment. Qu’il profite du coup de projecteur des médias qui étaient là pour savoir pourquoi il a quitté la sélection, pour parler du problème. Il aurait peut être dû citer la ou les personnes concernées. Je pense qu’il aurait dû agir sur le coup. Comme il partait de toute façon il aurait à mon avis dû en parler, prendre en charge le sujet en tant que leader de l’équipe. Parce que c’est possible. Quand j’y étais par exemple, en tant que capitaine ou en tant que leader j’ai vu ce type de cas mais dès le début je faisais des visites des chambres à minuit par m’assurer que tout le monde était là et parfois je revenais une deuxième fois. Ou j’appelais les chambres. Quand on est leader on s’adapte au groupe pour l’intérêt général et on est considéré. Je pense à cette époque là il avait un problème avec l’entraineur. Le souci aussi est que quand on écoute les vidéos de SFR et quand on lit l’interview qu’il vous a accordé, il donne l’impression que ça tourne au tour de sa personne et non pas autour du groupe. Est-ce que le fait que la fédération l’ait ignoré par rapport à ses appels de pieds ne serait pas une sorte de revanche par rapport à eux ?
Pourtant, moi je le connais Adel. On a vécu une belle période entre 2003 et 2007 et il était parmi les leaders qui s’occupait des joueurs nés à l’étranger. On était 4 ou 5 leaders, parfois les joueurs s’entendent avec lui parfois avec moi parfois avec Khaled ou Bouazizi.
Est-il plus important de laver le linge sale à l’intérieur, ce que semble dire plusieurs observateurs, ou de crever l’abcès pour régler le problème de fond ?
Ce qui m’a personnellement gêné c’est le fait de le dire à une chaîne française. Parce que à ce moment tu viens avec ton drapeau tunisien. Quand tu t’adresses à une chaîne internationale, ce n’est pas que la vérité qui compte mais aussi le drapeau. Si c’était sur une chaîne tunisienne, on aurait pu régler le problème. Mais là, les français avec leur complexe de supériorité auront encore des choses à dire sur la Tunisie. Même s’il répond à ses détracteurs, il aurait dû être un peu politiquement correcte. Pourtant je pense qu’il a dit la vérité. Il fallait remonter ça, même si l’entraineur ne l’entend pas ou le président non plus il y a toujours d’autres personnes pour l’entendre. D’un autre côté, il faut peut être profiter de cette polémique pour travailler sur le développement des joueurs et régler le problème de fond. C’est peut être un point de départ parce que ça fait longtemps qu’on attend qu’un responsable qui a le pouvoir pour prendre l’initiative. Il n’y a pas eu de réponse de la fédération par rapport à ça. Il faut être responsable et prendre en main les problèmes de bases. Le rôle de la fédération ce n’est pas que d’organiser les matchs mais de gérer la totalité du football, le développement des joueurs, des entraineurs, des infrastructures.
Comment peut on avancer et régler ce problème de fond qui est à l’origine de ton souhait de réagir ?
La première chose à mon avis est de poser le problème. Je ne pense pas par exemple que le ministère des sports et de la jeunesse ou la fédération se posent ces questions. Ils pensent qu’il ont des problèmes plus importants à résoudre. Mais pour résoudre ceux-ci, il faut aussi résoudre les détails. Il faut donner des tâches à des gens de confiance avec un plan d’action à court, moyen et long terme. Nous avons les moyens et les gens capables de le faire. Il faut juste que les responsables à l’intérieur de la structure enclenchent le mouvement. Ça ne peut pas venir de l’extérieur, même des anciens joueurs.
Par rapport à son analyse, un changement de gouvernance à la Fédération est-il nécessaire ?
Je pense que les équipes tunisiennes sont contentes de la fédération. Je constate qu’après les élections les membres ont été reconduits ce qui veut dire qu’on est content d’eux. Je ne sais pas ce qu’ils ont eu comme promesse ou comme problèmes à régler. Je suis en train de constater que la fédération se concentre sur la prospection des joueurs à l’étranger. Ils ont à priori plus de qualité et de bagages. Cette philosophie me parait pas l’unique à avoir. Elle ,ne peut pas être à 100%. Il faut un équilibre entre le développement des joueurs en Tunisie et l’intégration des expatriés. Il faut un juste milieu entre ces deux philosophies et améliorer le joueur local. Il ne faut pas que le joueur local se sente bloqué par ceux qui viennent d’autres pays. Il faut profiter de ces expatriés qui peuvent apporter du professionnalisme mais il faut savoir mettre le curseur au bon endroit. Je n’ai pas vu encore l’impact de la fédération comment il peuvent aider les joueurs et les rendre réellement professionnels. Ce n’est malheureusement pas ce que je vois, je vois plutôt des démarches pour ramener des joueurs de pays africains ou de niveaux inférieurs d’Europe.
Qui verrais-tu dans cette gouvernance et notamment si les anciens devaient être intégrés ?
Je ne donnerais pas de noms par ce que ça va limiter l’intérêt du football tunisien. Pour moi tous ceux, qui ont eu une expérience de joueur. Qui ont enchainé une formation, dans le coaching, la direction ou autre sont aptes de prendre des tâches. Il faut se donner un objectif. L’objectif c’est d’avoir un Messi tunisien. Et pour l’avoir il faut revoir toute la structure et toutes les strates du football tunisien. Tous le monde connait le problème mais il n’y a pas d’actions. Il faut plutôt agir du moment où la personne ne vient pas juste pour tirer un bénéfice de son rôle au lieu d’enrichir le football et développer notre sport. Il faut juste penser au drapeau et à la Tunisie. Ça me tue que les joueurs disparaissent à 20 ans ou que ceux qui ont du talent partent au Golfe au lieu d’aller réussir en Europe. Parfois il a raison mais c’est la faute du système qui le laisse penser ainsi. Il faut voir avec les gens qui gère ce système.
Quand on voit ce qui se passe en équipe nationale, on peut imaginer que c’est pire dans les autres niveaux. Adel a certainement raison à un moment donné même s’il y a un problème de timing. Hamdi Harbaoui l’avait aussi dit.