L’Espérance Sportive de Zarzis est bien plus qu’un simple club de football : c’est un symbole d’identité et de fierté dans un contexte colonial où le sport devenait un véritable vecteur d’expression culturelle et un lien d’amitié fort dans une relation complexe entre colons et autochtones. Mais avant de devenir l’ES Zarzis que nous connaissons aujourd’hui, le club portait le nom de Zarzis Sport évoluant en bleu et blanc sous l’administration française. Son premier président, Pierre-Sylvain Guichon, incarnait cette époque où le club était loin d’avoir l’aura qui allait marquer son histoire.
Zarzis Sport va voir le jour en 1931, plus précisément le 01 janvier comme le cadeau du jour de l’An offert par les colons aux « Akkaras ». En effet, le secrétaire de la Mairie de Zarzis, Pierre-Sylvain Guichon qui, à l’occasion de la naissance de son fils Christian, décide avec ses amis et des notables de la ville comme les familles, Kliche, Belhiba et autres, de fonder un club de football dans la ville lors du réveillon du 31/12/1930. Ce n’est que le 30 juin 1931 que le club reçoit l’accord de la Ligue de Tunis affiliée à la Fédération Française de Football. Les démarches seront complétées le 22 novembre 1934 sous la présidence de Jean-Léon Meyer qui succéda à Mr Guichon. C’est cette date qui est retenue comme date de fondation effective de l’ESZ, premier club du sud tunisien. Il évoluera dans le District Centre et Sud où jouent les clubs des régions centre de Sfax et de Gafsa.
C’est en 1943 qu’un tunisien sera nommé, pour la première fois, secrétaire général du club. Il s’agit de Chibani Bouchhioua. Mr Guichon, redevenu président du club, retourne en France pour cause de maladie et décide d’y rester. Il écrit au secrétaire général pour qu’il prenne ses responsabilités et c’est alors qu’en 1953, le vice-président du club, Haj Ali Bouchhioua se nomme premier président tunisien de Zarzis Sport.
La Tunisie obtint son indépendance et deux ans après, la première assemblée générale, véritable acte fondateur du club libre, était menée par des figures visionnaires : Chibani Bouchihoua, Haj Ali Bouchihoua, Khalil Ben Abdallah Nattahi, et Abdesslem Dhouib. Leur ambition était claire : rassembler les Akkaras autour du football, mais aussi insuffler des valeurs de solidarité, de dépassement de soi et de cohésion dans une société en quête de repères. Tout change lors de cette saison 1958/1959. Zarzis Sport renaît sous un nouveau nom, Espérance Sportive de Zarzis, en hommage évident à l’Espérance Sportive de Tunis, un clin d’œil assumé à l’influence de joueurs zarzissiens au sein du club de la capitale. Ce tournant marque également un changement de couleurs : le bleu et blanc cèdent la place au rouge et jaune, des couleurs qui symbolisent désormais l’âme et l’identité du club.
Ainsi, l’Espérance de Zarzis n’a pas seulement vu le jour, elle s’est imposée comme un pilier de l’histoire sportive et culturelle du sud tunisien, un lieu où le football devenait bien plus qu’un jeu : une véritable mission.
Malgré ces défis, l’ESZ s’impose comme un acteur régional incontournable. Le club participe à des compétitions locales, créant une rivalité sportive qui renforce l’engouement des supporters. Ces premières décennies posent les bases de ce qui deviendra l’identité forte de l’ESZ : un club attaché à ses racines, mais ambitieux sur le plan sportif. L’épopée significative de l’Espérance Sportive de Zarzis prend une tournure prépondérante contre l’Association Sportive de Mahares en 1981, où l’ES Zarzis accède à la Division 2 grâce à un but de Chedli Sghir.
Les années 1980 marquent un tournant crucial pour l’Espérance Sportive de Zarzis, et c’est sous la présidence de Fethi Gana que le club entame sa marche vers un avenir prometteur. Avec son intégration à la Division 2 Centre, l’ES Zarzis affiche clairement ses ambitions : se faire une place parmi les grands du football tunisien. Cependant, le chemin est semé d’embûches. En 1982, Zarzis termine dernière de la poule Centre, mais reste en Division 2 à la faveur de la création de la poule Sud. En 1983, la jeunesse et le manque d’expérience de l’effectif entraînent une relégation amère en troisième division, un coup dur pour les supporters et le club.
Mais loin de se résigner, l’ES Zarzis décide de rebondir avec force. L’arrivée de l’entraîneur bulgare Vassil Romanov en 1982, marque un véritable tournant. Inspiré par l’école bulgare de football, reconnue pour sa rigueur tactique, sa discipline et son approche méthodique du jeu, Romanov restructure le club en profondeur. Sous sa houlette, l’équipe adopte une philosophie axée sur le développement à long terme et la mise en valeur des jeunes talents locaux. Cette période devient celle de la résilience et de la renaissance, où chaque défi est vu comme une opportunité de grandir. L’Espérance Sportive de Zarzis, portée par Romanov, commence à poser les bases de ce qui deviendra l’un des traits distinctifs du club : une capacité inébranlable à se réinventer face à l’adversité. C’est ainsi que le club ne reste qu’une saison en Division 3 pour revenir aussitôt en Division 2.
Mais lors de cette saison 1984-1985, la Ligue décide de passer d’une Divison 2 avec trois poules de 14 clubs à une poule unique de 12 clubs la saison suivante. Seuls les 4 premiers de chaque poule resteront. Cette décision est vécue comme une injustice par plusieurs clubs, dont Zarzis qui devra céder sa place en Division 2. Le club nomme alors Moncef Arfaoui à la tête de l’équipe, reprochant à Romanov de ne pas être parmi les 4 premiers. Et la saison suivante, Arfaoui réussit à remettre le club en Division 2 grâce à une génération de talent menée par le virevoltant Abdesselem Kazouz qui a distillé les caviars à Noureddine Douihech et Ali Jaballah tout en s’appuyant sur une défense de fer menée par Lazhar Belghoul (Abba) et Mohamed Mcharek.
Zarzis va alors devenir un taulier de Division 2, rebaptisée Division d’Honneur, en étant toujours dans la première partie du tableau les cinq saisons suivantes. Pour la saison 1987-1988, l’ESZ va faire à nouveau appel à l’école bulgare et nomme Dimitri Milev à la tête du club. Il transforme l’équipe et les supporters affluent en masses dans les travers du stade Jlidi pour admirer les parades du gradien Amor Belghoul, pour assister aux sprints de folie de Mounir Rached, digne relève de Noureddine Douihech avec lequel il se partage les côtés. Ils encouragent le Libero Mohamed Mcharek qu’ils surnomment Moujahid pour tout l’abattage de couverture qu’il fait à chaque match ou encore Adel Hammami surnommé BOP, ce fonctionnaire infatigable des Brigades de l’Ordre Public, qui excelle dans ses longues touches et dans la couverture au milieu du terrain. Mais l’attraction du club reste la « Perle Noire« , Abdesselem Kazouz. Doté d’un pied gauche légèrement plus court que le droit, ce dernier affole les adversaires avec ses dribbles et ses coups de pieds arrêtés. Chacune de ses actions est accompagnée de cris de joie et de plaisir du public, mais le summum reste quand l’ESZ obtient un corner du côté gauche. Le public entre alors en liesse et crie de joie, exactement de la même façon quand on obtient un penalty. C’est assez déroutant pour les visiteurs, mais cette liesse est souvent récompensée par une exécution magistrale d’Abdesselem Kazouz avec un but direct du corner ou d’un but de la tête d’un des joueurs zarzissien.
Zarzis est alors à une victoire de la montée en première division. Le dernier match de la saison qui l’oppose au CS Cheminots se solde par un triste match nul 1-1 qui permet au Sfax Railway Sports d’accéder à la Division 1. L’amertume et la frustation des joueurs sont à leur comble. Ils s’en prennent aux joueurs adverses soupçonnés d’être motivés par le SRS tellement l’opposition a été héroïque des cheminots. La fin du match sera houleuse avec l’intervention de la BOP pour disperser les joueurs et la foule sous les gaz lacrymogène. Une première pour une rencontre à Zarzis.
C’est lors de la saison 1990-1991 que Zarzis obtient son ticket pour la Division 1 et accède à l’élite pour la première fois de son histoire. Renforcée par les jeunes Lassaad Sghaïer, Lassaad Maammar, Ilyess Smaali, Lotfi Jaballah et Mourad Chnaina, s’appuyant sur les expérimentés Abdesselam Kazouz, Abdelaziz Jallouli, Mohamed Mcharek et Lazhar Belghoul et jouant avec le maillot blanc paré de lignes rouge, jaune et noir, inspiré de celui de la sélection allemande, Zarzis se classe deuxième derrière l’OC Kerkennah et fait un parcours honorable en coupe de Tunisie, éliminée en quart de finale.
L’apprentissage dans le cours des grands fut compliqué. L’ESZ est aussitôt reléguée en Division d’Honneur malgré le recrutement du gardien international algérien Hedi Larbi le « Guépard ». Mais l’héritage de Milev est toujours là et le club passe une première saison où elle termine à la porte de la promotion pour revenir la saison suivante en première Division. Cette saison 1994-1995 se voit deux évènements majeurs pour Zarzis. Le football devient désormais professionnel et Abdesselem Kazouz décide de raccrocher les crampons. De son côté, Hedi Larbi en concurrence avec Makram Dabboub part finir sa carrière en Algérie.
C’est la saison du renouveau pour Zarzis. Le club promu se classe 7e dans la première moitié du tableau de LP1 et accède pour la première fois de son histoire à la demi-finale de la Coupe de Tunisie qu’elle perd aux tirs au but face à l’Olympique Beja. La saison suivante, l’ESZ fait encore mieux et se classe 6e en battant l’ESS 1-0, l’EST 1-0 et le CSS 4-2. Elle devient difficile à battre sur son terrain, seul le champion, le Club Africain réussit à la défaire ainsi que l’Olympie du Kef.
Zarzis s’installe en LP1 jusqu’à la saison 2002-2003 où elle est reléguée en Nationale B, mais Zarzis a de la ressource et revient aussitôt en Ligue 1 la saison suivante pour marquer sa plus belle page de son histoire. En effet, Zarzis, bien qu’à la traine au championnat, se concentre sur la Coupe de Tunisie. Elle y croit tout comme son public et fini par décrocher la lune en remportant la Coupe de Tunisie pour la première fois de son histoire en battant l’Espérance Sportive de Tunis 2-0 à Radès. Cette saison 2004-2005 va rester dans la mémoire de tous les zarzissien.
Zarzis va alors alterner de très bonnes saisons et de moins bonnes couronnées par une relégation, mais sa force de caractère fera en sorte qu’elle revienne la saison suivante en LP1. Jusqu’au deux dernières relégations où cette fois-ci, elle passera deux ou trois saisons en LP2 avant de revenir en LP1 comme cette année. Et quelle année !
En effet, Zarzis espère fêter dignement son 90e annioversaire. Elle aspire à écrire une nouvelle page de son histoire. Les objectifs fixés pour cette saison ne se limitent pas au maintien en championnat : le club ambitionne également de moderniser sa gouvernance et son image, en s’inspirant des réussites du Stade Tunisien et de l’US Monastir. Fort d’une situation financière saine, fruit d’une rigoureuse politique d’austérité, l’ES Zarzis peut se targuer d’être l’un des rares clubs sans dettes. Cette stabilité lui offre une base solide pour envisager un avenir prometteur. Avec de bons résultats sportifs, le soutien financier des partenaires et des supporters ne pourra que croître. Le club repose sur une direction collégiale composée d’entrepreneurs expérimentés, pilotée par un président unanimement respecté pour sa vision et sa gestion réfléchie. Alliant rigueur économique et ambition sportive, Zarzis met tout en œuvre pour marquer cette année anniversaire par un bond décisif dans son développement. En étant leader du classement du championnat cette saison après 8 journée, on peut dire que le club est sur la bonne voie d’atteindre ces objectifs.
En réalité, dès le début de la pré-saison, les dirigeants de l’ES Zarzis et sa cellule de recrutement ont posé les bases d’une nouvelle politique sportive, misant sur un alliage entre la jeunesse et l’expérience. Cette stratégie s’est traduite par l’arrivée de jeunes joueurs prometteurs issus des générations 1999, 2001 et 2002, notamment formés à l’Espérance Sportive de Tunis.
Parmi eux, le talentueux Youssef Mosrati, ancien meneur de jeu gaucher de l’ES Tunis, fait son retour à la compétition aujourd’hui face à l’ES Sahel. Ce joueur se distingue par sa technique, sa vision de jeu supérieure à la moyenne et sa conduite de balle remarquable. À ses côtés, le très prometteur avant-centre Achraf Jabri impressionne. Véloce, puissant et rapide, il est actuellement le deuxième meilleur buteur du championnat tunisien avec 4 réalisations en 9 journées. Prêté la saison dernière par l’ES Tunis, il avait terminé meilleur buteur de la LP2. Son talent n’a pas échappé à Kais Yaacoubi, sélectionneur intérimaire de la Tunisie, qui a récemment évoqué son potentiel en conférence de presse.
En défense, le jeune axial Khalil Guenichi (génération 2002) s’est affirmé comme un véritable taulier de l’arrière-garde zarzissienne, combinant solidité défensive et excellente relance. Sur les ailes, le rapide Moemen Rahmani, récemment libéré de son contrat avec l’ES Tunis, rappelle par son style de jeu un certain Rafik Kabou, qui avait marqué la saison 2013/2014 à Zarzis.
Le capitaine Younes Rached, formé au club et fils de la légende locale Mounir Rached, s’impose cette saison comme le meneur de jeu de l’équipe. Évoluant en numéro 10 dans le schéma en 3-5-2 d’Anis Boujelbene, il excelle dans la distribution des ballons et l’éclatement des défenses adverses.
Côté joueurs étrangers, l’arrivée du milieu relayeur nigérian Ambrose Ochigbo (19 ans) est une véritable révélation. Polyvalent, rapide et habile techniquement, il brille par son rôle de récupérateur devant la défense. À ses côtés, le Sénégalais Fallou Mendy, venu de la D2 émiratie, s’est imposé comme un roc défensif, alliant relances précises et interventions musclées.Parmi les joueurs expérimentés, on note l’éclosion de l’ancien gardien du Club Africain, Saifedinne Charfi, qui retrouve son meilleur niveau, et du milieu défensif Kouni Khalfa (ex-US Tataouine), qui apporte une précieuse expérience. Enfin, le polyvalent piston Yosri Dhalfaoui, formé à l’US Monastir, réalise une saison remarquable. Il s’est notamment illustré en inscrivant le but victorieux face à l’ES Tunis, marquant l’histoire récente du club.
Pour que le projet sportif réussisse, il fallait un entraineur à la hauteur de la tâche. Arrivé en juillet à la tête de l’ES Zarzis, Anis Boujelbene, ancien entraîneur du Club Sportif Sfaxien et de l’Avenir Sportif de Soliman, s’est donné pour mission de redéfinir l’identité de jeu du club. Inspiré par l’ADN historique de Zarzis, marqué par un football fluide et offensif, il a élaboré un 3-5-2 audacieux, articulé autour d’un équilibre entre solidité défensive et efficacité offensive.
Pour renforcer l’arrière-garde, Boujelbene a intégré trois défenseurs centraux solides, épaulés par deux pistons latéraux capables d’alimenter les attaquants en ballons et de couvrir les flancs avec intensité. Au milieu, deux milieux relayeurs polyvalents sont chargés d’assurer à la fois la récupération et la relance, tandis qu’un meneur de jeu créatif sublime les offensives par sa vision, sa technique et sa capacité à dicter le tempo.
L’aspect le plus marquant du système reste l’utilisation de deux avants-centres de métier. Ces derniers jouent un rôle clé dans la mise en place d’un pressing haut étouffant, conçu pour neutraliser la relance adverse dès les premiers mètres. Cette stratégie s’est parfaitement illustrée lors du match aller contre le Club Sportif Sfaxien, où Zarzis a su imposer un pressing intense, paralysant le jeu de son adversaire. Sous la direction de Boujelbene, ce dispositif vise non seulement à solidifier l’équipe, mais également à dynamiser les transitions rapides, faisant de l’ES Zarzis une équipe redoutable et difficile à manier et surtout à contrecarrer.